canoë dans les gorges de l'ain, automne dernier...
"Je me laisse descendre par le léger courant au petit matin, seul. Donc le silence est total. J'observe, j'admire, j'écoute le réveil des oiseaux... Les couleurs de l'automne sont flamboyantes. La brume légère, juste au-dessus de l'eau, est féerique. Elle transforme le paysage, masque certains détails. Du coup, je n'arrive pas à identifier l'animal qui traverse la rivière à la nage, quelques dizaines de mètres en aval : chevreuil ? sanglier ? chamois ? castor ?

Il sort de l'eau, se retourne et me regarde dériver. C'est un lynx adulte.
Il ne fuit pas, comme à chacune des cinq occasions que j'ai eues de l'observer en trente ans de vie dans le Bugey. J'imagine qu'il m'observe, curieux, mais son regard me transperce et se porte sur la rive opposée, inquiet, impatient.
Je n'ai pas le temps de comprendre ce qu'il se passe. Double plouf, et deux petites têtes poilues émergent, un peu paniquées. La mère ne bouge pas. Elle les attend sur la rive opposée. À cet instant, j'ai l'impression d'être transparent, de faire partie du paysage. La leçon de natation est un peu rude, mais motivés par la nécessité vitale de rejoindre leur mère, la lente traversée de la rivière se poursuit sans dommage. Je dérive vers l'aval, poussé par le léger courant. Les jeunes lynx aussi. La mère nous suit sur la berge, un peu tendue.
Je suis immobile dans mon canoë, je n'ose rien faire, de peur de redevenir humain, visible, et d'intervenir maladroitement dans le scénario.
Les jeunes lynx rejoignent enfin leur mère sur la terre ferme. Elle les lèche, les cajole. Je m'attends à les voir fuir. Il n'en est rien. Place aux gesticulations, aux félicitations, à la fierté expressive des petits héros. C'est moi qui quitte progressivement la scène, poussé vers l'aval par la rivière. Ils disparaissent enfin. Je suis soulagé, conscient d'avoir vécu un moment particulier, mais heureux de l'avoir traversé sans le perturber.
Le canoë en milieu naturel est décidément un moyen de locomotion permettant de se déplacer sans bruit, sans laisser de trace, avec des perspectives insolites sur les paysages et la vie qui les habite : l'impression d'être transparent, de ne pas exister tout en étant bien présent. "
Jérôme DAILLE, guide de rivières et accompagnateur en montagne
PARTIR EN CANOË AVEC JERÔME

Voyager en canoë, c’est :
* des balades en canoë de niveau adapté sur lacs et rivières
* des bivouacs au bord de l’eau ou dans des cabanes historiques
* la cueillette et la pêche qui agrémentent les repas copieux préparés
au feu de bois
* l’isolement et le silence propices au ressourcement, au repos et à
la déconnexion totale
* la solidarité et le partage des tâches collectives facilités par les
exigences de ces milieux naturels isolés.
* des observations de la faune et de la flore
* de la construction et utilisation de fumoirs
* des saunas de fortune et douches de plein air en toute intimité
* des récits historiques et partages culturels autochtones...