PLONgée auditive dans le Ladakh
Laurent CISTAC, créateur du Podcast "Histoires naturalistes : à l'écoute des passionné.es de nature", est parti il y a un mois avec Amarok au Ladakh en accompagnant un petit groupe de naturalistes sur la piste de la mythique panthère des neiges.
Il en est revenu avec deux récits de voyage.
Ici, il nous raconte son expérience de documentariste et podcasteur. Tendez bien vos deux oreilles...

" Une observation animalière se fait avant tout à l'aide de jumelles et de
longue-vues, pour détecter les loups, la panthère, les chats de Palas,
les bouquetins, et autres barhals. C'est le visuel qui l'emporte dans la perception humaine, c’est notre sens premier de l’observation. Alors pourquoi réaliser un podcast basé sur l’écoute et non un film ?

Parce que être à l’écoute est une approche poétique et sensible du
milieu naturel. Parce que l’écoute déclenche l’imaginaire qui comble le
manque d’images.
Tenez, par exemple, dans l’Himalaya du Ladakh, les sons de
la terre, ici, c’est d’abord le vent, les petits ruisseaux sous la
neige. C’est maigre, mais cela détermine l’atmosphère auditive qui nous
entoure. De la poésie pure.
Et puis, il y a les sons des êtres vivants non-humains, comme les
oiseaux à 4 000 mètres d’altitude et plus : les roselins tachetés, les rouge-queue de Güldenstädt, les perdrix Choukars et tétraogalles de
l’Himalaya. Que des noms d’oiseaux ! Sans oublier les chocards à bec jaune et craves à bec rouge bien connus des montagnards. Mes amis sonores.

Et bien sûr, les sons des humains, la voix, et les sons du village où
nous sommes restés quelques jours.
Nous sommes dans une contrée du
bouddhisme tibétain, et cela signe l’identité sonore.
Les spotters (autrement dit les ceux qui spottent l’animal dans
l’immensité montagneuse. Des naturalistes hors pair !) chantent
fréquemment et à voix basse quelques douces chansons traditionnelles,
comme Tashi descendant la montagne après l’observation des bouquetins.
Je me rappelle aussi l’avoir accompagné au fond d’une vallée isolée et
il marmonnait son mantra bouddhiste : “Om mani padme um” en me
montrant une trace fraîche de lynx dans la neige. Inutile d’en dire
plus. J’adore.
Dans le podcast, Aurélie souligne sa
sensibilité aux sons du village : un moulin à prière gigantesque aux sons
répétitifs, les braiments des ânes, des atmosphères d’origine qui lui
laissent des souvenirs auditifs, comme une empreinte durable. Les moments les plus forts (à mon goût) sont les sons … les moins forts.


La discrétion sonore d’un groupe qui chuchote devant la panthère des
neiges, pour éviter de la déranger, et la poésie de l’observation
survient. On peut alors enregistrer la parole émotionnelle et à voix
basse des naturalistes, l’oeil rivé à la longue-vue, à l’observation de
la panthère ou des loups. En direct !
Mes plus beaux souvenirs sonores sont survenus à un col à 5 300 mètres
d’altitude au Changtang, à la rencontre d’éleveurs nomades Changpas qui
mènent leurs troupeaux de chèvres Pashmina et de yaks dans un désert
minéral venté. Des sons ténus des pas des troupeaux et quelques
bêlements, des mâchoires animales qui broutent la maigre végétation,
quelques cris de passereaux, voilà, c’est tout.
Ecouter, c’est se taire, c’est déjà méditatif, parfait en milieu bouddhiste tibétain à 4 000 mètres d'altitude.
Soyez à l’écoute des deux épisodes de la Panthère des neiges, tout ça est raconté... "
Laurent CISTAC
Crédits photos : Mireille Coulon, Bastien Chaix